Le jumeau numérique, dit « digital twin » est-il en passe de révolutionner la recherche industrielle et de repousser les limites du secteur médical ? Explications.

Le jumeau numérique trouve ses origines au début des années 2000. C’est une technologie qui créé la parfaite réplique virtuelle d’un objet, d’un système ou de tout autre élément physique. En agrégeant une masse colossale de données, des machines complexes, des bâtiments, des organisations humaines voire des corps humains entiers pourront être doublés numériquement, et servir de terrain de simulations multiples.

Un processus qui étend les possibilités de recherche, et permet une analyse en profondeur sans pour autant avoir à les tester en vie réelle mais surtout, de simuler la probabilité de survenue d’événements à plusieurs années, en quelques minutes. Par exemple, l’analyse d’une voiture émanant d’un jumeau numérique pourra permettre de constater ses dysfonctionnements, mais également de tester de nouvelles hypothèses en recherche exploratoire, qui permettra de générer les résultats voulus sans devoir en passer par le processus coûteux et chronophage de création d’un véritable prototype.

Des débouchés dans de nombreux secteurs

Grâce à sa grande polyvalence et sa capacité à répliquer des systèmes complexes extrêmement variés, le « digital twin » est utilisé dans bien des secteurs. Armement, santé, politiques publiques, industrie … Même l’immobilier s’intéresse à cette technologie qui intéresse les constructeurs qui, dans le cadre de la construction d’un logement, peuvent anticiper la survenue de problèmes éventuels. Un gain de temps considérable lors de la conception de bâtiments, qui ne s’applique pas uniquement à l’immobilier, mais peut s’appliquer à de multiples secteurs, y compris celui de la santé, fer de lance des usages de cette technologie.

Santé : une révolution à venir ?

Depuis la crise COVID, le tournant numérique a été engagé plus volontairement par la société française, et le monde de la santé n’y fait pas exception. Un contexte favorable à l’inclusion de cette technologie dans la santé de tous les jours.

Le jumeau numérique peut reproduire un objet, mais également un corps d’être vivant, à la perfection tout en permettant des analyses permettant de produire des hypothèses, par exemple si oui ou non, une opération est faisable, avec quels risques et comment les minimiser. Le jumeau numérique en santé marque un véritable tournant dans la médecine de précision, et ouvre la porte à une médecine et une recherche de plus en plus fine, et de plus en plus personnalisée. Du chirurgien au chercheur, la possibilité de simulations quasi illimités et dans un temps très court nous permet de repenser les méthodes de travail de l’ensemble du secteur, de l’opération au choix du traitement en passant par la réalisation d’expériences de recherche.

Et cela ne s’arrête pas là. Le jumeau numérique pourrait simuler une ou plusieurs vies dans leur intégralité, tout en prenant en compte les facteurs externes au corps humain. Par exemple, la confrontation à la nicotine, à la pollution de l’air, à l’alcool ou encore à la malnutrition… sont des facteurs pouvant être pris en compte dans ce genre d’expérience. Le jumeau numérique pourrait être utilisé de manière plus fréquente pour la préparation d’interventions chirurgicales, en anticipant les complications ainsi que les effets de celle-ci. C’est aujourd’hui, déjà le cas dans quelques structures médicales.  Une avancée qui pourrait également nous permettre de remplacer tout ou partie de l’expérimentation animale et humaine, dans les phases de recherche expérimentale de l’industrie pharmaceutique, avec de potentiels gains de temps et de financements absolument majeurs. Le jumeau numérique en plus d’être utile à la médecine pourrait être dans un futur proche utile aux citoyens dans leur vie quotidienne, c’est ce que dit Bernd Montag, le CEO de Siemens Healthineers, l’une des entreprises pionnières dans ce domaine.

Chacun de nous aura son jumeau numérique dans son smartphone. Il nous indiquera où nous en sommes de notre état de santé et nous donnera accès à des parcours adaptés pour nous soigner.

Jumeau Numérique : et la collecte de données dans tout ça ?

Compte tenu de la masse de données personnelles nécessaire à son fonctionnement, le jumeau numérique pose des problèmes éthiques en terme de collecte de données de santé. En effet, le danger, pour les futurs utilisateurs du jumeau numérique, de mésusage de leurs données est réel, dans la perspective où cette technologie serait démocratisée.

Le suivi de santé très fin d’un malade peut engendrer des complications quant à la protection des données de ce dernier. Ces données extrêmement personnelles entre de mauvaises mains peuvent s’avérer coûteuses pour son détendeur. Par exemple, un patient atteint d’une pathologie sévère pourrait se voir refuser d’être assuré par une compagnie d’assurance face à ses données, considérées comme non-avantageuses. Un travail sur la protection des données est absolument nécessaire avant l’inclusion du jumeau numérique dans la société civile, sous peine de non-respect de la vie privée des utilisateurs.

Jumeau Numérique : quel(s) business model(s) ?

Aujourd’hui, comme pour toute technologie encore très neuve, le prix d’entrée de l’accès à la création de jumeaux numériques est extrêmement élevé. Il nécessite un investissement massif, de plusieurs milliers voir de millions d’euros, selon les besoins et le secteur d’activité dans lequel le jumeau numérique opérera. Malgré ce prix pouvant être rédhibitoire, des entreprises investissent tout de même massivement dans cette technologie, tant ses promesses semblent alléchantes. Aujourd’hui, le sujet est sur toutes les lèvres, et nul doute que les investissements devraient se poursuivre et s’accélérer à court et à moyen terme pour développer les possibilités de cette technologie.

Des promesses qui, pour autant, ne doivent pas faire oublier aux entreprises qui souhaitent se lancer sur le sujet les enjeux de sécurité et de confiance qui l’entourent. Sans un travail sérieux sur ces deux sujets, l’adhésion des citoyens à cette technologie, sans laquelle nous ne parviendrons pas à développer un usage suffisant, ne se fera pas.